L’éminent prélat entouré du président
et du conseil de l’Ordre des journalistes au
salon du siège patriarcal à Dimane (Liban-Nord).
LA PAIX SERA-T-ELLE INSTAURÉE AU P.-O.?
Interrogé, tout d’abord, sur la conjoncture régionale,
après l’accession du leader travailliste à la présidence
du Conseil en Israël et ses prévisions quant à l’avenir,
Mgr Sfeir répond: Naturellement, nous espérons et le
monde avec nous, que le conflit du Proche-Orient trouvera sa solution,
de même que la cause palestinienne, afin de pouvoir instaurer la
paix. Des promesses et des déclarations rassurantes ont été
faites; seront-elles tenues et concrétisées? Nous l’ignorons,
car des promesses similaires avaient été faites, précédemment
et n’ont pas été tenues.
Mgr Sfeir pense que les responsables libanais doivent se préparer
à cette paix que nous attendons depuis un demi-siècle. Il
faut, en tout cas, que l’occupant évacue, inconditionnellement,
notre territoire, en vertu des résolutions de la légalité
internationale, la paix devant être basée sur la justice et
l’équité.
A propos de sa visite au Chouf, le cardinal-patriarche dit qu’elle
interviendra après que les personnes déplacées de
la montagne auront réintégré leurs maisons et leurs
terres. Or, leur retour a bien tardé à se réaliser
et nous voulons le consacrer, au lieu de le précéder.
LIBAN-SYRIE
De sa visite à Damas, le cardinal Sfeir émet ces réflexions:
Naturellement, nous voudrions nous rendre en Syrie, parce que c’est le
pays
le plus proche de nous, d’autant qu’il existe entre nous des intérêts
communs, une Histoire et un patrimoine. Cependant, nous disons que le Liban
est un pays indépendant, comme la Syrie. Il est de notre intérêt
que des relations amicales existent entre nous, tant au plan politique,
que commercial et économique.
Mais en même temps, le Liban doit assumer ses responsabilités
comme tout Etat indépendant et souverain. Malheureusement, ceci
ne s’est pas réalisé jusqu’à ce jour.
Les circonstances ne me permettent pas encore de me rendre à
Damas.
Au sujet de la nouvelle loi électorale en cours d’élaboration,
Mgr Sfeir, tout en rappelant ses prises de position hostiles à la
loi sur base de laquelle ont été organisées les législatives
de 92 et de 96, se prononce en faveur de la petite circonscription où
les candidats et les électeurs se connaissent. Si la petite circonscription
n’est pas retenue, les résultats du scrutin ne reflèteront
pas la volonté populaire et la représentation nationale ne
sera pas parfaite.
QUID DE L’EXHORTATION APOSTOLIQUE?
Du synode pour le Liban ayant tenu ses assises à la Cité
du Vatican, à l’initiative de S.S. Jean-Paul II, dans une tentative
de la part du Souverain Pontife de faire taire le canon dans notre pays,
Mgr Sfeir évoque les recommandations diffusées à l’issue
de la rencontre à laquelle ont participé de nombreux hommes
de religion et personnes laïques. Le Saint-Père, rappelle-t-il,
a rendu public à partir de Beyrouth le texte de l’Exhortation apostolique
qui traite, d’abord, de questions religieuses dans sa première partie;
puis, de questions nationales. Sa Sainteté y engage les Libanais,
tant chrétiens que musulmans, à sauvegarder, en le raffermissant,
leur désir de vivre en commun et de favoriser l’instauration de
la véritable démocratie.
D’aucuns prétendent que l’Exhortation apostolique a été
classée. Je ne suis pas de cet avis, car ce précieux document
ressemble à l’Evangile et au Coran. On doit toujours y revenir
et c’est ce que nous faisons.
PAS DE POLITIQUE MAIS DES QUESTIONS NATIONALES
A la question: “D’aucuns vous font grief, ainsi qu’au Conseil des archevêques
de traiter de questions politiques dans vos homélies dominicales
et les communiqués diffusés à l’issue de vos réunions
mensuelles. Qu’auriez-vous à leur répondre?”, Mgr Sfeir déclare:
Ceci n’est pas exact: nous ne faisons pas de la politique, mais évoquons
des questions de caractère national, pour contribuer à redresser
la situation dans le même esprit que le fait l’Exhortation apostolique.
Puis, nous recevons beaucoup de gens qui nous exposent leurs doléances
et leurs plaintes, car ils n’ont pas la possibilité de frapper aux
portes des gouvernants, à qui nous transmettons les revendications
des administrés.
Il en est de même par rapport au communiqué mensuel des
prélats. Ceux-ci viennent de différents diocèses et
se font l’écho des plaintes de leurs ouailles. Je crois qu’en plaidant
en faveur de l’égalité, de la liberté, de la justice
et des droits de l’homme, l’opinion publique doit nous comprendre et apprécier
notre conduite et non le contraire.
Du rapport établi entre le palais de Baabda et Bkerké,
le cardinal Sfeir dit: Nous avons souhaité le succès au président
Lahoud, car son succès est le succès du Liban dont il est
le chef. Nos relations avec la présidence sont excellentes et il
n’est dans l’intérêt de personne qu’elles ne le soient pas.
DU DÉCRET DE NATURALISATION
Mgr Sfeir ne cesse de critiquer le décret en vertu duquel des
centaines de personnes ont acquis la nationalité libanaise, sans
en avoir le droit. La loi sur la naturalisation, ajoute-t-il, doit être
juste, ceux qui seront naturalisés devant savoir qu’il s’agit pour
eux d’un honneur et non d’un droit acquis. C’est ce qui a lieu en France
et dans les pays évolués.
Du sentiment de frustration que ressentent certains citoyens, Mgr Sfeir
le juge justifié, surtout quand les gens se plaignent de ne pouvoir
rentrer dans leurs droits et obtenir justice sans avoir besoin d’intermédiaires.
Il faut, dit-il, consolider l’entente nationale pour que tout rentre dans
l’ordre.
“Malheureusement jusqu’à ce jour, l’accord de Taëf est
appliqué d’une manière sélective. Or, nous l’avons
accepté parce que c’était l’unique moyen de faire taire le
canon chez nous.
Quant au retard mis au retour des personnes déplacées,
Sa Béatitude l’attribue au manque de fonds. Ceci est déplorable,
car si les gens ne réintègrent pas leurs régions initiales,
cela signifie que la vie en commun est menacée. Il faut donc que
les déplacés puissent retourner à leurs villages pour
mettre un terme à un problème humain qui a trop duré.”